-        C’est comme l’a si bien remarqué Bob, cette question de nudité qui l’effraie…

-        Mais qu’est-ce qu’elle craint, dit Nicky. Bob ne va tout de même pas se jeter sur elle dès qu’il la verra à poils…Alors ? J’ai l’impression que nous nous y habituerons très vite au nudisme…

-        Elle n’est peut-être pas gênée de se mettre nue devant vous, mais ce seraient plutôt les autres qui la feraient hésiter…Elle ne se voit pas dans une cohabitation nudiste avec des gens dont elle ignore tout.

-        Il ne faut pas oublier que nous serons chez eux, et que tout compte fait, nous pourrions si ça ne nous plait pas, foutre le camp à n’importe quel moment…Mais je ne pense pas que nous le fassions, nous aurons une vie tellement agréable ! Oh rien que d’y penser j’en suis toute chose…Pas vous ?

   Ses yeux brillaient. Je distinguais dans son regard une promesse qui dissipa mes dernières hésitations…J’ai compris, Nicky, ton discours muet…C’est d’accord, nous irons à Vence !...

-        L’ennui, c’est qu’Esther n’est pas très enthousiasmée, dis-je timidement.

-        Esther, j’en fais mon affaire…

-        Tu es sûre de réussir à la convertir ?

-        Entièrement ! Je la verrai demain et je saurai trouver des arguments pour la convaincre…Mais aujourd’hui c’est  toi qu’il s’agit de convertir …et nous allons nous y employer, n’est-ce pas Bob ?

-        Bien sûr ma chérie nous répond celui-ci du fond de la cuisine où il prépare le repas.

   Mais pendant qu’il est ainsi occupé, Nicky s’assied sur un fauteuil face au mien, prend un paquet de cigarettes qu’elle me tend avant de se servir elle-même. A présent elle fume d’un petit air mutin tout en croisant bien haut ses jambes, ce qui me permet d’admirer de splendides cuisses bien rondes qu’il ferait bon caresser. Ah ! Vivement que nous partions pour Vence !

-        Allons, Gilles, commence-t-elle d’un ton légèrement ironique, parlons franchement, veux-tu ?

-        Mais bien sûr, quelle question !

-        Ne crains pas de dire le fond de ta pensée. Qu’est-ce qui te gêne dans ce projet ?

-        Mais moi rien, c’est surtout du côté d’Esther que viennent les réticences…

-        Je m’en occuperai demain ! Aujourd’hui c’est toi et tu n’y échapperas pas ! Le climat de Vence te disconvient peut-être ?

-        N’ironise pas je t’en prie !

-        Alors c’est la question des ressources ?

-        Un peu, en effet…Que ferons-nous au juste pour assurer notre subsistance ?

-        Eh bien, les frais seront réduits au minimum, puisque le logement est gratuit et les vêtements supprimés…Pour la nourriture, la boisson et le reste, Marc et Cathy font de la céramique…Bob s’y connaît et donnera un coup de main et vous, vous aiderez à la céramique, aux travaux divers et à la vente des objets…Tu vois

-        En effet, je crois que tu as raison !

-        Alors plus d’objection Gilles ?

-        Euh !

-        Bon venons-en tout de suite au gros problème…Au seul problème, le nu !

   Elle sourit bizarrement en prononçant ces paroles et ses yeux brillent d’un curieux éclat, tandis que ses jambes se croisent, se décroisent et se recroisent en découvrant la totalité de ses cuisses, jusqu’à un minuscule string rose et transparent qui fait plaisir à voir et donne une grande envie de l’ôter…Ce n’est d’ailleurs même pas la peine, puisque Nicky a gagné la partie, que je n’ai plus la moindre objection et que je brûle déjà du désir de partir au plus tôt.

-        Tout d’abord le fait de vivre au grand air et de sortir de ce cloaque parisien où on ne peut même pas respirer et où l’on va bientôt crever d’asphyxie…Tu te rends compte ma chérie, Vence, Cagnes, Vallauris, c’est tout de même autre chose que la rue Poissonnière !

 Mais Esther ne paraissait pas convaincue. Quelque chose la chiffonnait sérieusement dans cette proposition, c’était visible.

Et ce quelque chose, je savais parfaitement ce que c’était ! Il avait même un nom : Nicky !

Esther n’avait certainement pas oublié que lorsque nous nous connûmes, il y a trois ans, je flirtais avec elle. J’ai même l’idée que ma femme a toujours eu un peu l’impression que je me suis jeté dans ses bras par dépit de ce que Bob m’ait soufflé Nicky. Ce qui est rigoureusement faux, car à mon avis, la vérité est toute différente.

   Je serais plutôt enclin à penser que Nicky s’est jetée dans les bras de Bob dès qu’elle m’a vu sortir avec Esther. Mais il est possible que ces deux dépits se soient plus ou moins ajoutés…En tout cas, il est une chose qu’elle ne sait pas, Esther, c’est que ce flirt a repris tout dernièrement. Il y a pas plus de quinze jours nous avons échangé un baiser, Nicky et moi, qui en disait long sur nos intentions les plus secrètes.

   Quand je pense que c’est précisément Bob le plus acharné à essayer de nous convaincre de l’accompagner à Vence, je ne puis m’empêcher de sourire en coin.

   Au fond, cette hypocrisie est stupide. Pourquoi ne pas dire ouvertement ce que nous pensons.

-        Sois franche, Esther, ma chérie…Il y a autre chose qui t’ennuie, en dehors de la question de  nudité. Ou plutôt en dehors de la tienne, de nudité ! C’est celle de Nicky !

Esther eut un petit haut-le-corps. Tant pis, je m’étais jeté à l’eau. Il fallait dire le fond de ma pensée sans réticence.

-        Avoue-le que ça ne te dit rien que je voie Nicky toute nue à longueur de journée !

Mais elle n’eut pas l’air de comprendre le véritable sens que je donnais à cette phrase et me répondit  vivement, comme un peu vexée :

-        Là, alors tu te goures mon chou ! Tu sais, Nicky, je ne la crains pas et si tu as bon goût tu dois reconnaître que je suis nettement mieux balancée qu’elle !

-        Comment le saurais-je, répondis-je malicieusement. Je ne l’ai jamais vue à poil ! (Le plus drôle c’est que c’est vrai !)

-        Et tu penses peut-être que je vais croire ce bluff ? Tu as oublié avec qui tu étais lorsque tu m’as connue…

-        Je sortais avec elle, mais je ne couchais pas !

-        Tu la fréquentais depuis trois mois et tu ne couchais pas avec ! Laisse-moi rire !

-        Il y a encore des filles qui ne couchent pas tout de suite, que veux-tu !

-        Merci !...

-        Qu’est-ce que ça veut dire ?

-        C’est ça, fais le naïf, maintenant ! Tu sais très bien que j’ai couché avec toi dès le premier soir, reproche le moi puisque tu y es !

-        Mais il ne s’agit pas de ça mon chéri

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