PETER - PAN
Pour l'amour de toutes et de tous, aimons-nous vivants!
D'après " Le bel Aujourd'hui " de Claude Eymmouche...1972
On dirait la chambre d’un garçon. Aux murs, des photos de bateaux à voile, des rayonnages couverts de livres (de vieilles encyclopédies, des romans d’aventure et de science fiction). Autour du lit, un filet de pêche avec des boules vertes. Pour tout objet de toilette, un peigne abandonné sur la cheminée. Quelques-uns des longs cheveux noirs d’Hélène y sont encore pris.
« Quel geste ridicule ! » se dit Philippe en portant le peigne à ses narines, pour retrouver le parfum sauvage d’Hélène, l’odeur de mer et de soleil qu’elle garde miraculeusement autour d’elle. Philippe ferme les yeux, les cheveux effleurent ses lèvres, les cheveux d’Hélène…
Quand Hélène est sur la balançoire, ils forment une grande masse sombre qui vient la fouetter au moment où, arrivée au sommet de sa course, elle commence à redescendre. Tantôt ils flottent loin derrière elle, ils dégagent son front et ses joues rieuses ; l’instant d’après, ils retombent sur son visage et le masquent complètement.
Un jour, Hélène a invité Philippe à se balancer avec elle. Flanc contre flanc, sur la planche étroite, ils étaient comme deux naufragés sur une mer en furie. Philippe était le protecteur, l’homme fort. Le bras passé derrière les épaules de sa jeune cousine, il aurait pu l’enlacer…mais il n’avait pas trop de ses deux mains pour s’accrocher à la corde, trop heureux, quand la balançoire remontait, de sentir le dos d’Hélène s’appuyer sur son bras. Et chaque fois que la chevelure noire lui balayait le cou et le visage, elle lui envoyait une grande bouffée d’air marin, une caresse d’algues.
Sous le bras levé qui tenait la corde, Philippe pouvait voir une ombre légère, quelques poils très fins. Hélène était toute chaude de soleil et de jeu mais l’odeur qui se dégageait de ses aisselles était douce, attirante. S’il avait osé, Philippe aurait posé un baiser sur le creux tendre et délicat. Cela, il pouvait le faire sans lâcher la corde. « Je ferais semblant d’avoir perdu l’équilibre. » Il allait le faire, tout de suite, quand la balançoire commencerait à redescendre. « Je n’ai qu’à me pencher un tout petit peu… » Il imaginait déjà la saveur de cette peau moite, un peu salée, sûrement…sa langue se contractait, il en avait, littéralement, l’eau à la bouche…
Tu m’ennuies dit soudain Hélène, on ne monte pas assez haut avec toi, laisse-moi y aller toute seule.
Elle l’avait fait descendre et s’était remise à se balancer. D’en bas, Philippe continuait à regarder les cheveux, soudain inaccessibles, et la jupe qui volait très haut pour se rabattre aussitôt sur les cuisses minces et hâlées, couvertes d’un duvet doré. « Comment est-ce possible alors que ses cheveux sont si noirs ? » Plus haut il apercevait parfois la culotte de coton blanc, une culotte de petite fille. « Elle porte encore du linge « Petit Bateau » et moi je lorgne sous ses jupes… » Il était encore tout chaviré par le mouvement de la balançoire. Hélène riait en remontant très haut, les bras levés. Il regardait fixement les aisselles touffues. « Non, pourtant ce n’est plus une petite fille… »
Le balancement se ralentissait, les cheveux ne bougeaient presque plus, la jupe restait sagement collée aux cuisses. Et soudain, sans même attendre l’arrêt complet, elle avait sauté, elle était tombée dans les bras de Philippe qui, d’instinct, s’était mis à la serrer très fort.
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