PETER - PAN
Pour l'amour de toutes et de tous, aimons-nous vivants!
La fuite inquiétante de l'été
Je ne revois plus le visage ni le corps de celle que je tenais contre moi, dans le Nord-Sud, vers St Lazare. Je sais seulement que dans
cette foule compacte où les balancements du train penchaient d'un coup toute la masse oscillante des voyageurs elle se laissait faire
comme privée de raisons et de sentiments. Comme si nous avions été dans un désert véritable, où même la présence d'un homme eut été
pour elle si surprenante et si terrifiante que l'idée ne lui serait pas venue de bouger ou de résister un instant. J'étais donc contre elle, par-derrière
collé,
et mon haleine faisait remuer légèrement les cheveux de sa nuque. Mes jambes épousaient la courbe des siennes, mes mains avaient longuement
caressé ses cuisses, elle n'avait pas retiré sa main gauche quand je l'avais un instant furtivement serrée. Je sentais contre moi la douce pression
de ses fesses à travers une étoffe très mince et glissante, dont les plis occasionnels même m'intéressaient. Je maintenais avec mes genoux
un contact étroit. Je les fléchissais un peu, afin que ma queue bridée par le pantalon trouvât, pendant qu'elle grandissait encore, un lit entre ses fesses
que la peur contractait, un lit vertical où les secousses du train suffisaient à me branler. Je voyais mal le visage de cette femme, par côté.
Je n'y lisais que la peur. Mais quelle peur? Du scandale, ou de ce qui allait arriver? Elle mordait sa lèvre inférieure. Soudain, j'eus un désir irrépressible
de contrôle. Je voulus connaître la pensée de cette femme, je glissais ma main droite entre ses cuisses. Merveille du poil deviné sous l'étoffe,
étonnement du cul pressé. Cette femme était donc en pierre? Je ne connais rien d'aussi beau, rien qui me donne le sentiment à un pareil point,
que la vulve quand on l'atteint par derrière. Mes doigts ne pouvaient s'y méprendre. Je sentais les lèvres gonflées, et soudain la femme
comme pour se raffermir sur ses pieds écarta les cuisses. Je sentis les lèvres céder, s'ouvrir. Elle mouillait tant que cela traversait la robe.
Les fesses trois ou quatre fois montèrent et descendirent le long de ma pine. Je pensais tout à coup au gens alentour. Personne, non personne
dans cette presse ne prêtait attention à nous. Visage gris et ennuyés. Posture d'attente. Mes yeux tombèrent dans des yeux qui regardaient,
qui nous regardaient. Ils allaient d'elle à moi, ces yeux battus par la vie, ces yeux soulignés plus encore par la fatigue des longs jours que par le fard,
ces yeux pleins d'histoires inconnues, ces yeux qui aimaient encore pour un peu de temps l'amour. C'étaient les yeux d'une femme assise assez loin,
et séparée de nous par un peuple aveugle, d'une femme qui de si bas ne pouvait deviner le manège, ne pouvait que voir nos têtes ballottées par
la marche du train et l'incontrôlable du plaisir prochain. Ils ne nous lâchaient pas, ces yeux, et j'éprouvais soudain une sorte de nécessité de leur répondre.
C'étaient des yeux immenses, tristes, et comme sans repos. Savent-ils? Ils battaient un peu pour me répondre. Ils se tournaient vers ma voisine
que je sentais profondément frémir. Ils n'interrogeaient pas. Ils savaient sans doute. Les mouvements de la femme devinrent plus rapides, avec ce
caractère étrangement limité que donne la crainte de se trahir. Je vis brusquement se dilater les prunelles qui me fixaient, comme si un gouffre
s'était ouvert sous la banquette. Les yeux venaient de saisir sur la face de la femme que je serrais le premier spasme de la jouissance.
Je ne sus qu'après eux ce qui venait de se produire, et c'est en même temps que la femme assise que je partis, et je me demande quel air dut être
le mien alors, quand celle-ci cacha brusquement dans ses mains ses yeux déchirés de jouir. Un temps infini s'écoula jusqu'à la station suivante
comme un grand silence immobile et je ne pensais plus à rien. Entrée en gare, les lumières extérieures, la courbe du quai, les reflets sur les briques
blanches,
un remous violent à l'ouverture des portes jeta dehors la femme dont je n'avais pas vu les yeux; tandis que l'assaut des nouveaux voyageurs étendait
un voile entre moi et les yeux que je ne voyais plus. Je restais seul, sans connaître le vrai de cette histoire sans intrigue, où tout est pour moi
dramatique
comme la fuite inquiétante de l'été.
Aragon (avant!)
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un texte triste et si érotique !!
cate et a
c'et superbe, pas sans me faire penser aux passantes de Brassens
bises
tania
c'est avec une belle satisfaction que nous voyons ton retour ! superbe photo ( la premiére ) on adore ! ouah que d'écris , notre peter est de retour ! gros bisous
Grand bonheur à la lecture de cet très beau texte.
Mille doux bisous
Lorine
Bonjour Peter Pan
Merci pour la publication de ce texte d'Aragon que je découvre avec gourmandise Un scène où l'érotisme est fort bien rendu dans cette sensualité plurielle des sens conjugués: plaisir volé des frôlements, plaisir jouissif du contact , plaisir concupiscent des regards témoins; plaisir fugace et fulgurantà la fois d'une brève rencontre anonyme dont les images rémanentes hantent le souvenir ...
Plein de baisers tendres.
On se pose un peu : le temps de refaire les valises avant de repartir.
A très vite !
Elise
Rien depuis le 6 juillet? Tout va bien?
bises
tania
Vite vite la suite ça fait longtemps je trouve :(
Je sais que j'étais " ailleurs ", enfermée dans ma bulle mais je ne reçois plus les notifications de ton blog.
Texte magnifique, intuile de te dire que j'adore.
Plein de bisoudoux.
LOrine
MAIS IL Y A si longtemps que je n'ai pas publié
je ne sais plus
peut-être pour toi
doux baisers
peter