PETER - PAN
Pour l'amour de toutes et de tous, aimons-nous vivants!
7
- Bonjour, Madame Lise, dit Amanda en ouvrant la porte ; j’étais justement en train de tout préparer pour vous.
La couturière prononce « Bonnejourr » et sa belle voix grave d’Italienne, semble monter du fond de sa gorge. Lise ne l’entend jamais sans ressentir un picotement dans le dos. Elle va chez sa couturière pour se faire faire des robes, bien sûr, mais aussi, comme d’autres vont chez la masseuse, pour de détendre, s’abandonner. Pour se sentir une autre. Amanda est une fée qui la transforme en toutes sortes de personnages fabuleux. A l’aide d’une coupe de tissu qu’elle drape autour de Lise, elle fait apparaître dans le grand miroir à trois faces, tantôt une matrone romaine, tantôt une Merveilleuse du Directoire, tantôt une Schéhérazade en personne.
- Comme ça vous va bien, Madame Lise ! S’est-elle écriée la semaine dernière avec un enthousiasme communicatif ; vous avez le ventre parfait, avec un nombril haut placé. C’est exactement ce qu’il faut. Pourquoi ne vous faites pas faire une de ces robes à la mode cette année, qui laissent le ventre nu ? Je vous ferais une jupe longue à volants – tenez, comme ça – et un petit boléro pour couvrir les seins.
Elle avait joint le geste à la parole et Lise n’avait pas résisté. Elle avait commandé la robe, cette robe qui est là, maintenant, sur le mannequin d’osier, prête à être essayée.
- ça a l’air bien joli, Amanda, dit Lise en entrant. Mais laissez-moi souffler un peu avant l’essayage. Il fait une chaleur !
- Bien sûr mon petit. Mais vous êtes toute en sueur ! Otez donc votre robe, vous serez mieux…
En slip et soutien-gorge, Lise s’est affalée sur le canapé de velours, les bras en croix, les cuisses écartées. Dans la pénombre de l’appartement aux persiennes closes, elle savoure la fraîcheur de l’évaporation sur sa peau moite.
- Alors Amanda ? demande-t-elle ; ça va bien ? Où en sont les affaires de cœur ?
- Oh, Madame Lise, c’est terrible, je ne veux plus le voir.
- Qu’est-ce qu’il a encore fait ?
- Je ne sais pas si j’oserai vous le raconter, dit Amanda, pour la forme, en prenant la main de Lise dont elle caresse légèrement les doigts ; vous êtes si délicate ! Une vraie fleur…
- Moi, vous savez, je peux tout entendre.
- Eh bien voilà : l’autre soir, il est arrivé avec une petite, je ne sais pas trop où il l’avait ramassée, un traînée, une…
- Et vous l’avez laissée entrer ?
- Je n’ai pas compris tout de suite. Et puis j’étais trop contente de le voir, lui. Alors je me suis dit qu’il m’amenait une cliente et que, quand elle serait partie, on ferait l’amour. J’ai décidé de l’expédier au plus vite. Il fallait d’abord prendre ses mesures. Elle n’avait rien sous sa robe, juste un tout petit string, pas de soutien-gorge. Et Angelo qui était là, à regarder. Quand j’ai mesuré son tour de poitrine, il lui a mis les mains sous les seins pour les redresser, en disant : « Il faut que tu mesures comme ça, autrement ce sera trop étroit quand elle portera un soutien-gorge. – Espèce de cochon, je lui ai dit, tu n’as pas honte de la tripoter comme ça ? » Mais, elle, la petite salope, elle ne disait rien. Alors il me répond : « Fais-le toi-même, si ça te fâche. Je prendrai le centimètre ». Et pendant que je lui tenais les deux seins – tenez, comme ça, vous voyez, Madame Lise, que je vous montre – il est arrivé par derrière et il m’a mis une main sur le sein et l’autre…enfin vous me comprenez, Madame Lise, entre femmes…Il faut vous dire, moi, les caresses sur les seins ça me rend folle. Il a pris une pointe entre le pouce et l’index et il serrait doucement en tournant un peu, comme ça…vous sentez, Madame Lise, malgré votre soutien-gorge ?
- Oui, je sens très bien, dit Lise, qui commençait à s’amuser beaucoup.
Elle adore les histoires de cœur que la belle Italienne lui raconte souvent avec un mélange de verdeur et de naïveté qui l’enchante. Et elle ne déteste pas les gestes tantôt hardis, tantôt timides, dont Amanda accompagne ses récits…Timides ? Ou n’est-ce qu’un jeu ? La voilà qui hésite, ses grands yeux noirs interrogent Lise avec une sorte de crainte, ses mains s’écartent des seins qui durcissaient déjà.
- Mais je vous ennuie peut-être, Madame Lise, avec mes histoires ?
- Pas du tout Amanda. Et n’enlevez pas votre main. Moi aussi j’adore ça. Mais il ne faut pas seulement pincer. Il faut passer la paume sur les pointes, doucement…Oui, comme ça, c’est exquis.
- Ah, vous êtes bien comme moi ! dit Amanda dont les joues rosissent ; dès qu’on me touche là, dès qu’on me caresse comme ça, je perds la tête. C’est à cause de ça…que tout est arrivé, l’autre jour…
- Tout quoi ? demande Lise, les yeux mi-clos.
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