PETER - PAN
Pour l'amour de toutes et de tous, aimons-nous vivants!
5
Hélène dort. Elle rêve qu’elle dort et qu’elle se réveille. Et elle se réveille avec, encore, de petites bouffées de rêve dans la tête, des visages qui flottent et s’en vont, comme les morceaux d’une photo déchirée qu’on a jetés dans le ruisseau…Jacques, sa broussaille de cheveux blond blanc, ses yeux noisette, son visage triangulaire aux pommettes hautes…Beau comme un dieu, c’est bien banal, beau comme un loup, un loup qui serait le dieu des loups…Encore trois semaines avant la pension, pas la peine de s’encombrer l’esprit…Quoique la pension , ce n’est pas seulement les profs, la pension c’est aussi, c’est d’abord Maryse, la blonde, la divine Maryse…Elle ne m’a pas écrit une fois, la salope, moi non plus d’ailleurs, mais on a juré de tout se raconter de ce qu’on aura fait en vacances et je ne sais vraiment pas si je serai capable de lui raconter Jacques. Jacques et moi, Jacques couché sur moi, son doigt dans moi, ma main sur lui, je laisserai Maryse raconter la première, si elle en a fait d’aussi belles, je verrai…Jacques…Jacques…
Elle ferme les yeux, tire le drap au-dessus de sa tête, essaye de toutes ses forces, de revoir ce gros gourdin rouge et rigide qui se dressait au bas du ventre de Jacques…Rien à faire…Si ! Ça vient, ça se dessine, mais ce n’est pas tout à fait pareil, ce n’est pas un gourdin, c’est une longue tige blanche et fine, presque élégante, au bas du ventre plat et musclé…et, au-dessus il y a Philippe…Comment Philippe ? Comment peut-elle imaginer si distinctement le machin de Philippe qu’elle n’a jamais vu alors qu’elle est incapable d’évoquer l’image de celui de Jacques qu’elle a regardé si souvent ?...Philippe…Il est beau, lui aussi, très différent de Jacques, deux ans de plus, des cheveux noirs et des yeux bleus, très clairs, on dirait qu’il y a derrière deux petites lampes toujours allumées et, tout autour, une bonne tête un peu rude, carrée, rassurante, avec des mâchoires de…non, pas de loup, de chien, de chien fidèle et protecteur…J’aime bien Philippe, je l’aime bien quand il me regarde et que je sais ce qu’il a envie de me faire et qu’il écrit dans son journal. Ça me donne chaque fois un drôle de petit vertige, dans l’estomac et plus bas, entre mes cuisses, là où j’ai ma main…Tiens ! Qu’est-ce qu’elle fait là ma main ? « Sortez vos mains de dessous vos draps, mesdemoiselles ! » dit la mère Anselme, la surveillante du dortoir quand elle passe, sans faire un bruit, la salope, tu parles, si elle savait ce que Maryse et moi, nous en faisons de nos mains, l’une contre l’autre…Non ! Pas penser à ça, pas maintenant, dans trois semaines, heureusement qu’il y aura ça, Maryse chérie, adorée, ma belle garce, pour faire passer tout le reste, où en étais-je ?
Oui, Philippe. Donc il m’aime, il me désiiiiiire, Hélène, mon amour des amours, je te ferai ceci et ça, viens vite…Tout doux, tout doux, moi je m’en fous !...Non ! Pas vrai, je ne m’en fous pas. Ça me fait même un drôle de plaisir, plusieurs drôles de plaisirs, d’abord qu’il pense à tout ça en me regardant, et puis qu’il ne sache pas que je sais et puis qu’il soit jaloux de Jacques, alors ça c’est exquis, ça me fait, je ne sais pas, un petit bonheur aigu…Au fond, j’aimerais bien faire souffrir Philippe, lui faire mal, par exemple, le tenir là, dans ma main, et serrer et voir son visage se contracter, sentir qu’il veut jouir et l’en empêcher, ou bien, commencer à le faire jouir, voir sa bouche et ses yeux s’ouvrir de plus en plus grands et m’arrêter d’un coup, et l’empêcher de se finir, Hélène, tu es une abominable garce, pauvre Philippe, au fond, j’aimerais bien qu’il me prenne dans ses bras, contre lui, presque sans me toucher, rien que du doux, du bon chaud, même pas de baisers, rien que ça, être contre lui, être dans sa chaleur, sans bouger…Tu parles ! On n’en resterait pas là, la pureté est impossible, comme dit Maryse quand elle sent ma main glisser sous sa jupe, bon revoilà Maryse, je ne sais pas ce que j’ai ce matin, ou plutôt si je sais…et je sais que je vais le faire mais doucement, ma fille, tout doucement, que ça dure…
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